Publié le 18/09/2015
Il semble que les élus communautaires et municipaux consultés lors du séminaire de travail qui s’est tenu le mardi 15 septembre, soient en majorité favorables à l’élaboration d’un PLUI dès maintenant. Ré à la Hune qui livre ces informations en avant-première à ses lecteurs, vous propose de décrypter – préalablement au conseil communautaire qui se tiendra ce jeudi 24 septembre – les enjeux et les modalités de ce dossier essentiel pour l’avenir de l’île de Ré.
A la suite de l’annulation du SCOT de l’île de Ré par décision du Tribunal Administratif de Poitiers du 9 juillet dernier, les élus communautaires se sont donnés le temps de la réflexion. Malgré une phase de relatif découragement durant l’été, les Maires se sont rencontrés au mois d’août pour échanger sur ce dossier. Une nouvelle rencontre début septembre des vice-présidents de la CdC a entériné leur volonté politique de se lancer dans une démarche choisie d’élaboration d’un PLUI pour l’île de Ré.
Le Président de la Communauté de Communes, Lionel Quillet, a ensuite réuni dans la première quinzaine de septembre les 26 délégués communautaires, qui se sont montrés également favorables à cette démarche « accélérée ». Mardi 15 septembre les élus municipaux des dix communes rétaises auxquels se sont joints des directions générales des services des communes ont été à leur tour réunis en séminaire (120 personnes présentes), afin de se voir expliquer les enjeux d’un PLUI et présenter les deux hypothèses possibles : choix de se lancer dans son élaboration avant la fin de cette année, ou obligation de le faire avant le 27 mars 2017.
Une annulation du SCOT lourde de conséquences
Après avoir rappelé que le SCOT a été annulé pour seuls vices de forme malgré sa validation sur le fond, le Président de la CdC a présenté les conséquences de cette annulation (lire soninterview à ce sujet dans Ré à la Hune N° 125). Les PLU en cours d’élaboration dans les communes ont désormais pour seul encadrement juridique les dispositions du code de l’urbanisme et les principes de densification des zones urbaines, fixés notamment par la loi ALUR, s’imposent aux PLU. Si le principe d’urbanisation limitée de l’île de Ré continue de s’appliquer, les zones à urbaniser des POS peuvent désormais être urbanisées pour n’importe quelle vocation, soit 21,10 hectares de zones urbanisables supplémentaires par rapport aux 23 hectares prévus au SCOT.
Qu’est-ce qu’un PLUI ?
Il s’agit d’un « document d’urbanisme qui, à l’échelle d’un groupement de communes, établit un projet global d’urbanisme et d’aménagement et fixe en conséquence les règles générales d’utilisation du sol sur ce territoire ». Un PLUI doit permettre l’émergence d’un projet de territoire partagé prenant à la fois en compte les politiques nationales et territoriales d’aménagement et les spécificités locales. Il vise à réaliser un projet commun tout en identifiant les enjeux spécifiques des communes et ceux relevant de l’intercommunalité. Contrairement au SCOT qui reste un schéma d’ensemble, un PLUI rentre dans les aspects réglementaires et architecturaux de la gestion de l’urbanisme.
La procédure d’élaboration d’un PLUI est semblable et toute aussi longue et lourde que celle d’un SCOT, même si leurs contenus sont tout à fait différents. En effet, conférence intercommunale sur les modalités de collaboration, prescription et modalités de concertation par délibération communautaire, élaboration du projet suivie d’un débat sur les orientations du Plan d’aménagement et de développement durable (délibération communautaire), arrêt du projet (délibération communautaire), enquête publique d’au moins un mois, rapport du commissaire enquêteur, puis approbation du projet (délibération communautaire) en constituent les différentes étapes incontournables, soient 3 ans de procédure.
Les élus ont deux possibilités, entre choix et obligation
La première qui a aujourd’hui la préférence des élus communautaires est de choisir de se lancer dès ce mois de septembre 2015 dans l’élaboration du PLUI, avec un timing extrêmement serré puisque l’arrêté préfectoral doit intervenir avant fin décembre 2015.
L’hypothèse alternative consiste à laisser les communes finir d’élaborer leur PLU et d’attendre la date limite du 27 mars 2017 pour remplir l’obligation légale : en effet à cette date les dix communes devront avoir approuvé leur PLU et l’intercommunalité avoir initié un processus d’élaboration d’un PLUI.
La première hypothèse a la préférence des élus rétais du fait de plusieurs de ses conséquences positives. Les POS seraient maintenus, il n’y aurait pas de retour au RNU (Règlement national d’urbanisme). Un PLUI favoriserait une cohérence dans l’aménagement du territoire, en adéquation avec les dispositifs réglementaires et induirait une économie de moyens. Substitut du SCOT, il pourrait laisser présager un travail commun avec les Services de l’Etat sur le PPRL. La Préfecture serait très favorable à l’élaboration d’un PLUI dès maintenant pour l’île de Ré. Politiquement opter pour cette première hypothèse est très habile – et cela n’a manifestement pas été bien perçu en amont par tous – puisque à ce stade une seule majorité dite qualifiée (moitié des conseillers représentant 2/3 de la population ou 2/3 des conseillers représentant la moitié de la population) suffit alors qu’en 2017 une minorité de blocage (au moins 25 % des communes ou représentant 20 % de la population) aurait pu faire échouer le projet de lancement d’un PLUI…
Ce qui changerait…
La gestion de l’urbanisme de l’île de Ré resterait identique à la configuration actuelle pour ce qui concerne l’instruction des permis de construire et autres documents d’urbanisme réalisée depuis octobre 2014 par la CdC, les Maires conservant leur pouvoir « régalien » de signature des actes, et le personnel dédié à l’instruction resterait communal. Côté planification de l’urbanisme, cette compétence serait transférée à la CdC.
Un Comité technique composé de la CdC, des agents en charge de l’urbanisme dans les communes et d’un bureau d’études, un Comité de pilotage auquel siègeraient les délégués communautaires et les adjoints à l’urbanisme des communes, et enfin bien sûr le conseil communautaire seraient les acteurs du projet, les phases de concertation y associant les « personnes publiques associées », les conseils municipaux. Les élus devront décider si les acteurs professionnels, certaines associations, etc seront conviés comme ce fut le cas dans le cadre du SCOT…
Les prochaines étapes
Lors du Conseil communautaire du 24 septembre 2015 les élus devront délibérer sur « le transfert de la compétence en matière de PLU, de document d’urbanisme en tenant lieu et de carte communale ». Puis en octobre les conseils municipaux devront chacun délibérer sur ce transfert. Lors du Conseil communautaire du 29 octobre sera délibérée la « prescription » du PLUI et se tiendra « la Conférence intercommunale fixant les modalités de collaboration entre les communes, pour l’élaboration du PLUI ». A la suite de cela, l’arrêté préfectoral pourrait intervenir en novembre et en tout état de cause avant le 31 décembre 2015, suivi d’une délibération du conseil communautaire le 17 décembre qui donnerait le « la » du lancement officiel de la démarche de PLUI.
Si les élus communautaires puis municipaux confirment leur position favorable, la prescription d’un PLUI avant le 31 décembre 2015 permettrait de suspendre les délais et contraintes qui s’imposent à court terme aux POS et aux PLU, à savoir la « grenellisation » des documents d’urbanisme avant le 1er janvier 2017 et la caducité des POS de l’île de Ré au 27 mars 2017, avec en corollaire le retour au RNU.
La démarche se déroulerait sur l’ensemble de l’année 2016 avec une date butoir pour le débat du PADD fixée au 27 mars 2017 et une approbation du PLUI espérée avant fin 2018, la date butoir d’approbation du PLUI étant toutefois le 31 décembre 2019.
Calendrier d’élaboration d’un possible PLUi (plan d’urbanisme intercommunal pour l’île de Ré
Les enjeux territoriaux… et politiques
Ainsi, à terme l’île de Ré serait dotée d’un document de planification conforme aux principes des lois Grenelle 2 et ALUR et intégrant le futur Plan de Prévention des Risques Littoraux. Un PLUI sera toutefois moins prescriptif que le SCOT approuvé en 2012…
La Communauté de Communes, qui n’a pas vocation à tout gérer, en sortirait toutefois renforcée avec la possibilité d’élaborer un projet d’aménagement cohérent et équilibré pour l’île de Ré dans son ensemble, intégrant des spécificités communales.
Son président et ses vice-présidents, bien conseillés, auront alors réussi ce tour de force de transformer l’énorme désillusion née de l’annulation du SCOT en un tremplin pour rebondir vers un projet politique volontariste. Lionel Quillet s’exprimait ainsi dans nos colonnes le 18 août dernier « Il y a un temps dans toute volonté politique, celui du SCOT est passé… je ne suis pas sûr d’avoir de nouveau autant d’énergie ». Apparemment les élus rétais ont assez de ressources internes, et de foi en l’île de Ré, pour savoir créer de nouveaux temps politiques forts.
Nathalie Vauchez